jeudi 13 décembre 2007

Guerre préventive

Intervention de M. Jean-Paul Lecoq
Député de Seine Maritime, Maire de Gonfreville l'Orcher
Conseil de l'Europe, octobre 2007
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Monsieur le Président

Chères et chers collègues
Mesdames et messieurs

La dite « doctrine de la Guerre préventive » nous rappelle les étapes les plus obscures de l’humanité.

La prétention de refonder une « guerre préventive » n’est autre que la matérialisation de la politique étasunienne d'éroder un peu plus encore l’interdiction absolue de la menace et de l’utilisation de la force contre l’indépendance politique et la souveraineté d’autres États, selon la disposition contenue dans la charte de Nations unies. Cette interdiction est indiscutablement le pilier de la coopération internationale, du règlement pacifique des différends, de la paix et de la sécurité internationales.

De plus, cette supposé « doctrine » est étroitement liée au « droit d’intervention » qui n’est d'autre que la manifestation de la force brute des puissants contre les faibles.

La soi disant « doctrine de guerre préventive » est la construction de la part des États-Unis - avec la complaisance de certains États européens - d'une catégorie idéologique conduisant à la déstructuration, voire la destruction de la Charte des Nations unies et de tout le système de sécurité collective.

Il s’agit ni plus ni moins que du retour « du droit d’agression », du droit de faire la guerre en tant que nouvel instrument de consécration la violence structurel et la force brute dans les relations internationales.

Au nom de cette soi disant « doctrine », les États-Unis et certains de ses alliés européens prétendent se réserver désormais le droit d’attaquer n’importe quel État souverain surtout là où un gouvernement ne se plie pas à leur politique de domination impériale. La guerre préventive n’est qu’une tentative de justifier la guerre d’agression.

L’autre support idéologique- qui complète le « droit d’intervention », si chère à la doctrine occidentale- est la guerre contre le terrorisme. Dans les faits, la guerre contre le terrorisme cache mal l’offensive générale contre les normes internationales, contre les normes de base de protection des droits humains. Les faits de torture systématique, et à grande échelle, des irakiens par des responsables nord-américains est un exemple frappant.

Et pourtant, la Charte des Nations Unies interdit le recours à la force et cela sans aucune ambiguïté. Il est bien précisé en son article 2, § 4 que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Certes, l’article 51 de la charte des Nations unies prévoit et autorise la légitime défense « dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée ». C’est uniquement en cas d’agression armée que l’on peut invoquer la légitime défense. La « guerre préventive », voler en éclat la notion de légitime défense, véritable pilier du droit international.

La guerre préventive est une violation flagrante du droit international et est un acte constitutif d’agression, elle est crime de droit international et contraire à la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974. La politique mise en place par les États-Unis et par certains alliés européens, porte un coup fatal à l’article 33 de la Charte de l’ONU selon lequel tous les États ont l’obligation de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.

Cette prétendue doctrine n’a rien de légal, est elle essentiellement contraire aux normes internationales et se trouve substantiellement en contradiction avec les dispositions de la Charte des nations unies.

Je vais plus loin encore. La prétendue guerre préventive - qui est l’offensive contre le système de sécurité collective - est indissociable de la logique et du mécanisme institutionnel imposé par l’ordre néo-libéral. Comme l’affirme le professeur Robert Charvin, « le jeu complexe du terrorisme international et de la politique impériale des États-Unis accélère et accentue(le) processus de désagrégation de toute régulation juridique si utile, par ailleurs, à la fois au leadership de l’Empire (en particulier sur ses « alliés » qui sont aussi ses rivaux) et à une mondialisation essentiellement rentable aux grands pouvoirs privés transnationaux.[1]

Le droit politique contenu dans la Charte des Nations Unies fait l’objet d’une offensive générale afin de le détruire. Ce droit politique ainsi neutralisé, « les normes du droit international économique peuvent se développer plus facilement conformément à la logique de la mondialisation, c’est-à-dire selon les vœux des firmes transnationales, assistés des moyens d’État des Grandes Puissances »[2].

Et c’est l’ensemble de ces éléments qui sème le désordre mondial, tandis que des peuples entiers dans le monde sont soumis aux recettes « thérapeutiques » des institutions financières internationales, aux programmes d’ajustement structurel et aux privatisations et bradage des biens publics au profit des grandes sociétés transnationales. La lecture et l’interprétation de la guerre préventive et le désordre provoqué, ne peuvent qu'être rejetés intégralement.

C'est la non-résolution pacifique des conflits, la négation au peuple sahraoui du droit à l'autodétermination de la part du Maroc et d'autres conflits graves au Moyen orient et ailleurs, les vrais causes du désordre dans le monde. Et la doctrine de la guerre préventive ne fait que les aggraver.

La reconstruction d’un ordre international basé sur le respect des droits humains, sur le respect des obligations internationales concernant la protection de l’environnement, sur le droit au développement des peuples du sud, sur l’éradication de la misère, sur le respect de la normativité internationale et de la Charte des Nations unies, est la seule réponse possible à la guerre préventive et à l’ordre antidémocratique imposé aux peuples.

Je vous remercie de votre attention.

[1] Robert Charvin, "L'affrontement Etats-Unis – Afghanistan et le déclin du droit international", Actualité et Droit International, novembre 2001, p. 2.

[2] Robert Charvain, "Régulation juridique et mondialisation néolibérale. Droit « mou », droit « flou » et non-droit", Actualité et Droit International, janvier 2002, p. 4.

Bouclier anti-missile

Intervention de M. Jean-Paul Lecoq
Député de Seine Maritime, Maire de Gonfreville l'Orcher
Conseil de l'Europe, octobre 2007

Monsieur le Président

Chères et chers collègues
Mesdames et Messieurs

Le bouclier anti-missile en Europe, vieux rêve nord-américain, s’est enfin matérialisé par la complaisance de certains gouvernement de l’Europe de l’Est mais aussi celle de ministres des pays membres de l’OTAN.

Nous ne pouvons que nous montrer préoccupés et en même temps, exprimer clairement notre rejet du programme du bouclier antimissile sur le territoire même de l’Europe.

La politique de remilitarisation de l’Europe toute entière, se place dans le contexte de la déstructuration de l’ordre juridique international menée par les États-Unis. Celle-ci répond à une vision unilatéraliste qui érode le cadre multilatéral de l’ONU, mais aussi idéologiquement elle répond à la soi disant «doctrine de la guerre préventive ».

En ce sens l’installation d’un système anti-missiles en Europe orientale équivaut pratiquement à une déclaration de guerre- comme l’a pertinemment remarqué Noam Chomsky[1] - si l’on tient compte du contexte dans lequel ce programme a été mis en place. D'ailleurs, la mode de recourir à la menace de la guerre s'est même étendue à la France !!!

Comme nous le savons tous, il est notoire que la défense anti-missiles est une arme de première attaque et de défensif elle n’a que le nom.

Son installation sur le territoire européen est le prétexte destiné à faciliter et à consolider la puissance militaire des États-Unis à l’étranger.

L’Europe n’est pour les États-Unis que l’un des pions de leur politique de domination et d’hégémonie mondiale. La défense anti-missile n’a d’autre objectif qu’asseoir l’hégémonie nord-américaine et de conserver intacte sa capacité d’exercer son pouvoir sur le territoire européen à partir duquel elle mettrait en place ses intentions stratégiques et militaires.

Les tambours de la course aux armements sonnent haut et fort puisque les ministres de la défense de l'OTAN, réunis jeudi 14 juin 2007 à Bruxelles, ont approuvé le projet nord-américain de bouclier anti-missile en le présentant comme devant protéger le flanc sud de l'Europe contre des attaques venant (notamment) du Moyen-Orient.

Les ministres n’ont émis aucune réserve, et ils n’ont formulé aucune critique sur l'installation de sites en Pologne et en République tchèque. Au contraire, ils ont décidé de lancer une étude envisageant la complémentarité de ce projet avec les propres études de l'OTAN concernant la défense antimissile du territoire.

L’acceptation de ce projet nord-américain, sans vrai débat démocratique et sans la participation des citoyens, nous montre bien l'influence décisive que les nord-américains conservent sur les Européens, à travers l'OTAN ou dans d'autres instances.

Dans le même temps, l’OTAN rejetait avec dédain la contre-proposition russe d’un système basé en Azerbaïdjan. Comment ne pas conclure que l’histoire de la protection contre la fabuleuse bombe iranienne, russe, coréenne et/ou autre, n'est qu'un prétexte pour entamer une nouvelle course aux armements ? Il n’est donc pas étonnant que la Russie menace de diriger ses missiles vers l’Europe !!

Et contre quel ennemi serait-il utilisé, ce bouclier ? On parle de l’Iran, on parle de la Russie, on parle de la Corée du Nord, on parle également de la Chine. En tout cas, la seule certitude que nous avons c’est que la défense dite anti-missile augmente le risque d’une guerre ou que des désordres s’étendent sur le territoire européen. Car ce projet s’aligne exactement sur la vision manichéenne et simpliste du gouvernement des États-Unis dans le cadre du « choc de civilisations ».

De plus cette «défense anti-missile » augmentera les menaces d’agression au Moyen Orient, avec des conséquences incalculables, sans écarter la possibilité d’une guerre nucléaire définitive. Et cela peut encore envenimer les rapports orient/occident.

Je le répète sans ambigüité : le bouclier anti-missile n’est pas une protection pour l’Europe mais il y prépare la guerre contre d’autres États et contre d’autres peuples.

Le bouclier anti-missile nord-américain n'est nullement destiné à protéger l'Europe contre une menace militaire évidemment inexistante de la Russie, de la Corée du Nord ou de l'Iran, mais exclusivement à accélérer la vassalisation de l'Europe sous le couvert de l'OTAN.

En réalité, l’acceptation d’un tel projet militaire si agressif annule ou anéanti toute tentative sérieuse de mettre en place un système européen de défense autonome et indépendant.

Le système anti-missile nord-américain est ce qu’il est : partie intégrante de l'arsenal nucléaire américain en Europe. L’Europe est donc en train de changer radicalement la configuration tout entière de la sécurité internationale, embarquée dans cette aventure militariste qui n’a aucune raison d’être.

Il y a plus d’un demi-siècle, Bertrand Russell et Albert Einstein lancèrent un appel aux peuples du monde pour qu’ils prennent conscience du fait que nous nous trouvons face à un choix « net, terrible et inévitable ». Cet appel est encore d’une actualité brûlante : « Ou l’Europe s’embarque dans une aventure militaro-agressive participant ainsi à la destruction de l’ordre juridique international, ou nous refusons cette politique militariste et menons une politique cohérente de consolidation du cadre multilatéral de la paix et de la sécurité internationales, fondée sur la coopération entre les États et les peuples ».

Je vous remercie de votre attention.

[1] Le bouclier étasunien anti-missile en Europe est un acte de guerre, Noam Chomsky, 31 mai 2007, Le Grand Soir Info.

lundi 29 octobre 2007

Nos villes ne sont pas des cibles

Campagne à l’initiative du réseau mondial Mayors for Peace.

Depuis 60 ans, les Etats dotés de l’arme nucléaire menacent les villes d’incinération comme si des millions de morts était un dommage collatéral regrettable mais acceptable au regard des combats titanesques menés au nom des idéologies et du contrôle des ressources. Après la seconde guerre mondiale et pendant l’ère de terreur nucléaire connue sous le nom de Guerre Froide, l’idée de réduire en cendres les villes, toujours illégale et immorale, était considérée comme acceptable. Aujourd’hui les pouvoirs nucléaires font des milliards de dollars de bénéfices grâce à leur secteur nucléaire.
La famille humaine est confrontée à des problèmes environnementaux dont la résolution requerra une coopération internationale intensive, et la plus urgente des priorités pour les gouvernements est d’empêcher que les armes nucléaires tombent entre les mains des terroristes, que la menace nucléaire ne dissuade pas.

Il n’y a plus aucune justification à tenir les villes en otages et maintenir la menace d’annihilation de populations entières. C’est pourquoi Mayors for Peace offre une assistance organisationnelle à tout membre souhaitant souscrire à tout ou partie des engagements ci-dessous :

1) Rechercher les gouvernements disposant de l’arme nucléaire et susceptibles de prendre votre ville pour cible.

2) Contacter les gouvernements nationaux identifiés et leur demander l’assurance que votre ville n’est (et a fortiori ne sera) pas prise pour cible. La réponse « Nous ne confirmons ni n’infirmons » n’est pas suffisante, elle appelle à l’accentuation des efforts pour obtenir de vrais engagements.

3) Organiser ou rejoindre des délégations pour rendre personnellement visite aux gouvernements nationaux et demander à ce que votre ville (ainsi que n’importe quelle ville) soit exclue des cibles potentielles.

4) Adopter par décision du maire ou du conseil municipal, la proclamation ci-dessous.

Cette campagne participe de la campagne Vision 2020 de Mayors for Peace visant à l’élimination de toutes les armes nucléaires d’ici à 2020. L’action des maires pour la défense de leurs propres citoyens contre la menace nucléaire ne saurait être interprétée comme une autorisation implicite d’utiliser les armes nucléaires sur d’autres cibles. Au contraire : ils formulent une demande spécifique au nom de leur ville pour mettre en lumière le fait que les armes nucléaires visent des agglomérations entières. Notre intention est de renforcer la large revendication demandant à ce que les nations ne menacent plus d’annihilation aucune ville dans la poursuite de quelque objectif politique ou économique que ce soit.


PROCLAMATION MUNICIPALE

Aux dirigeants des pays dotés de l’arme nucléaire :

Au nom des citoyens de cette ville, nous demandons que l’usage des armes nucléaires contre quelque ville que ce soit et en toutes circonstances soit banni.

Aux dirigeants de tous les pays :

Au nom des enfants de cette ville, nous demandons que l’avènement et le maintien d’un monde sans armes nucléaires soit poursuivi comme un objectif hautement prioritaire.

Aux dirigeants français :

Nous vous demandons de supporter l’action de notre ville et celle de nos collègues en agissant pour la défense du Droit fondamental de survivre dont toutes les villes, tous les citoyens et tous les enfants peuvent se prévaloir.


NOS VILLES NE SONT PAS DES CIBLES
Nos enfants méritent un futur sans armes nucléaires

Prix Nobel

Le célèbre jury de Stockholm a décerné le prix Nobel de la Paix à un collectif d’acteurs du développement durable. Le plus connu d’entre eux, Al Gore, est un as de la communication dont la réputation dans le domaine repose sur un livre et un film “ Une vérité qui dérange”. Les scientifiques du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) sont des gens de grand talent consacrés par l’ONU. Ils contribuent, bénévolement, à un programme de travail patient indispensable à la connaissance de la réalité.
Au-delà des récompenses, nous pouvons nous réjouir de ce que ce prix consacre le développement durable, après l’économie solidaire, comme élément constitutif de la paix…de la “Culture de la Paix”.
Après une telle décision, nous devrions trouver plus “normal” que la paix trouve sa place dans nos agendas 21 … Comment, en effet, imaginer un développement durable du monde, une inversion de nos atteintes au climat, en laissant subsister un arsenal guerrier prêt à tout compromettre comme nos armes nucléaires.
Et puisqu’une vérité peut déranger, disons que nous aurions aimé que l’ancien vice-président des Etats-Unis fasse un peu plus pour que son pays signe le protocole de Kyoto lorsqu’il était aux affaires.
Enfin, disons que son film n’aurait rien perdu de sa pertinence, bien au contraire, en stigmatisant plus fortement les armes nucléaires comme l’immense danger de notre temps pour ce qu’elles coûtent et pour la menace terrorisante qu’elles nous font subir.
Mais cela ne sera pas sans une mobilisation forte des citoyens… Ce à quoi nos collectivités locales s’emploient en priorité.